Un brumisateur suspendu dans sa main, le jeune mais néanmoins prudent Zachariah Barker-Warwyck estime d'un coup d'oeil d'expert l'état de ses plantes, et juge qu'elles ont eu leur dose de vapeur d'eau pour la journée. Voire peut-être même la semaine. Un laconique soupir s'échappe d'entre ses lèvres avant qu'il n'ait pu le retenir – on ne retient jamais bien longtemps ces bêtes là de force, de toute manière. Zach avait beau adorer jouer avec son brumisateur, il devait bien reconnaître que ses meilleures amies végétales ne tiendraient pas le coup très longtemps s'il en abusait, et il n'était pas près à risquer leur santé pour si peu. Sujet à un soudain désœuvrement, il laisse son regard flotter quelques instants dans la pièce, en quête d'une inspiration soudaine. Mais rien à faire ; tout est nickel, il n'y a rien à ranger ou à nettoyer, et il se mettrait bien derrière les fourneaux pour tester une nouvelle recette, seulement il n'a pas spécialement faim, et l'idée de cuisiner pour autrui ne lui est encore jamais venue à l'esprit – un jour, peut-être. Au hasard de ses pérégrinations, son regard finit par tomber sur une des fenêtres de son luxueux appartement, et le jeune étudiant réalise que s'il n'y a rien qui puisse l'occuper ici, le monde extérieur reste peuplé de gentlemen et nobles dames qui n'attendent que de se faire insulter par un passant aussi borné et stupide que lui. Tout heureux de cette révélation, il saisit à la va-vite un blouson au vol et s'échappe de la perfection scandaleuse de son appartement.

Après avoir méprisé quatres adolescentes complexées du regard, balancé quelques grossièretés à deux-trois types qui n'avaient rien demandé et gloussé de rire tout à fait ouvertement en dévisageant une gamine qui, tout en regardant ailleurs en feignant de ne rien avoir remarqué, n'avait pu s'empêcher de rougir, notre sale gosse préféré décide qu'il s'ennuie et qu'il en marre de marcher. Mentalement, il se fait aussi la réflexion qu'il serait bon d'acheter un compagnon de vilipendage, cela créerait sans doute un meilleur effet. Dans l'incertitude de la manière dont il compte passer le reste de son après-midi de libre, Zach se dirige vers le Starbucks le plus proche ; il se réfugie toujours dans ces établissements quand il doit décider d'une marche à suivre. Faire la queue l'aide à se concentrer. C'est bon, il sait ce qu'il va faire. D'un geste vif, il s'empare de son téléphone (un de ces vieux modèles qui ne font même pas bluetooth ou mms) et compose le numéro de Dree Ollingsworth ; je ne saurais vous retranscrire les propos qu'ils s'échangèrent à ce moment là, un sosie de Garrett Hedlund passait dans le coin pile poil à cet instant et ma concentration s'est très soudainement détachée de mon personnage, je vous prie de m'en excuser. Quand j'ai repris le fil de l'histoire, Zachariah en était au comptoir et commandait deux latte macchiato à emporter.

Dix sept minutes plus tard, le jeune Barker-Warwyck finit par débusquer son enquêtrice favorite (ce n'est pas tout à fait comme si la concurrence était rude) et, sans s'encombrer de règles de politesse élémentaire, il pénètre sans plus attendre dans son véhicule et s'installe confortablement sur le siège passager en tendant une boisson à sa partenaire.

« Alors. T'es sur un gros coup ? » interroge-t-il sans ambages en commençant à siroter son macchiato, qui n'avait pas encore vraiment refroidi, heureusement.

Cette période de l’année, Dree la détestait. La pluie, le vent, le froid et le ciel gris, elle en avait déjà par-dessus la tête alors que l’automne venait tout juste de commencer. Et avec le soleil, le temps libre s’était lui aussi fait la malle laissant place à des tonnes d’examens et de mémoires en tout genre. Le temps, le boulot… Dree avait le bourdon et dans ces cas là, la seule chose qui pouvait la réconforter c’était une virée en voiture (oui, chose surprenante vu son expérience médiocre de la conduite mais le but étant plus intéressant que les moyens utilisés… j’y viens) histoire de s’avancer sur quelques enquêtes en cours (si existantes) ou pour simplement filer quelqu’un au hasard (ce qui n’est pas franchement conseillé mais bon).

Il était encore tôt et malgré un pavé de 20 pages à écrire sur les mœurs d’une civilisation aborigène pour la semaine qui suivait, Dree s’ennuyait. Campbell avait disparu de la surface depuis plusieurs jours à cause de virées diverses avec ses potes et donc, Dree, elle, se retrouvait seule dans sa chambre sans personne pour écouter ses divagations habituelles. Malgré tout, la providence devait être de son côté ce jour là car si tôt son premier soupir évacué, son portable sonna et le nom qui s’affichait sur son écran lui promettait bien des aventures. Zachariah, alias Z. dans ses dossiers. Son client le plus fidèle, chose qui n’était pas compliquée vu le nombre de ses ‘clients’. Dree avait eu quelques scrupules au départ quand elle avait commencé à chercher des infos pour lui car elle avait bien compris qu’il ne les utilisait pas à des fins très classiques dirons-nous mais après tout, qu’en avait-elle à cirer…

La conversation terminée, elle attrapa sa veste et descendit à sa voiture, en direction du Starbucks, temple de la hype attitude. Elle n’avait pas bien saisi la teneur du monologue de Zach mais tant pis, elle en saurait plus une fois arrivée sur place ce qui ne tarderait pas beaucoup. Elle le trouva sur le trottoir attendant comme un grand, deux cafés à la main. Au moins, elle ne crèverait pas de froid. Il entra, referma la portière, lui fila un gobelet et commença à boire le sien. « Un gros coup ? Pas vraiment, les gens ici sont ennuyeux, personne ne veut connaître les secrets des uns ou des autres. A part toi, bien sûr ! Et merci pour le café, c’est pas mon préféré mais c’est le geste qui compte dis-t-on, hein ! » Et elle prit à son tour une gorgée de liquide ambré parfumé au caramel. « Et toi alors, toujours en quête de saletés à divulguer ? Qui est ta prochaine victime ? » En effet, ce n’était pas vraiment déontologique comme méthodes mais encore fallait-il que ce soit son métier pour qu’elle puisse être sanctionnée…